Le stress, comment l’appréhender ?

Il y a peu, un ami sportif m’expliquait qu’il constatait généralement une amélioration de ses performances lors des jours de finale. Cet ami connait bien mon intérêt pour la motivation et les mécanismes du stress et son « constat » se voulait un brin provocateur. En effet, nous discutions du  stress positif et du stress négatif. Concepts, que je réfute.

Si je comprends la volonté de simplifier le phénomène du stress, il ne m’apparait pas approprié de le faire ainsi. En effet, on utilise ici notre tendance à séparer les objets ou les gens en termes de « bon » ou « mauvais ». La réalité est bien plus simple ainsi. Les studios d’Hollywood exploitent abondamment ce principe dans leurs superproductions. Ces films comprennent une poignée de « gentils » qui doivent combattre plein de « méchants » pour sauver le monde. Le scénario est facilement compréhensible. On peut alors se concentrer et profiter pleinement de l’action. Et ça peut être réellement distrayant.

Seulement le stress, ce n’est pas de la fiction.

Il est dommageable de vouloir « marketer » le stress de la même manière. Lorsque je lis un article sur un tel sujet, c’est pour m’informer et non, me divertir. La validité de l’information m’importe. Comme j’ai le sentiment, que cela peut aussi être votre cas, prenons le temps de rectifier certaines idées reçues.

Qu’est-ce que le stress ?

Il n’existe pas, d’une part, un stress « positif » et de l’autre, un stress « négatif ». Le stress est un phénomène unique. Hans Selye, un des premiers chercheurs à l’origine du concept, définit le stress comme « la réponse non spécifique que donne le corps à toute demande qui lui est faite ». Ainsi le stress n’est pas bon ou mauvais en soi. Il correspondà la réaction naturelle de notre corps pour s’adapter à un stimulus, un danger ou encore n’importe quelle « demande » du monde extérieur. Cette réaction de l’organisme, à des stimulations pourtant différentes, se fait par la libération de substances identiques (la réponse est « non spécifique »).  Il peut ainsi être indifféremment produit par une injection de substances toxiques (source d’origine chimique), au bruit, à la vitesse, au froid (sources d’origine physique) ou encore à la perception d’un danger imminent, un avenir incertain, des tensions familiales, au travail… (sources d’origine psychique). Il est intéressant de garder à l’esprit cette définition générale parce qu’elle met en évidence, le fait que ce soit une réaction naturelle de l’organisme.

La définition, plus restrictive, de l’Agence Européenne pour la Sécurité et la Santé au travail précise qu’un « état de stress survient lorsqu’il y a déséquilibre entre la perception qu’une personne a des contraintes que lui impose son environnement et la perception qu’elle a de ses propres ressources pour y faire face ». Cette définition met l’accent sur la perception, la représentation d’un déséquilibre ressources/contraintes. L’être humain stresse lorsqu’il est confronté à une situation à laquelle il pense ne pas être capable de faire face.

La première définition du stress de 1936 n’appose pas de connotation au mécanisme de stress : c’est une réponse de notre corps. Hans Selye a remarqué que cette réponse pouvait provoquer des lésions, par exemple chez des souris malmenées. Par ailleurs, ces mêmes réactions de stress ont permis à l’Homme de survivre face aux menaces du monde extérieur.  La seconde définition datée des années 2000 est connotée plus négativement ; cet état provient de la perception d’un déséquilibre. Elle précise que le stress « affecte également la santé physique, le bien être et la productivité de la personne qui y est soumise. » Alors pourquoi parle t’on de stress positif ?

Le lien entre stress et performance

Plus qu’une simplification erronée de la réalité, ce qui me gène dans le terme de stress positif, c’est l’utilisation qui en est faite. Effectivement, nous avons vu que la réaction de stress existe parce qu’elle est avant tout utile aux organismes vivants. Elle permet la mobilisation de nos ressources biologiques ( augmentation du taux de sucre dans le sang, amélioration du débit sanguin, sang enrichi en oxygène..).

Mais appréhender le stress de manière manichéenne a conduit certains consultants trop zélés à fournir aux entreprises des réponses simples, séduisantes et fausses ! Selon eux, à doses modérées, le stress est bon pour la performance. Ainsi lors d’une récente table ronde, une dirigeante d’une PME expliquait en parlant de ses salariés : « Je dois les stresser, pour obtenir des résultats ».   Le contexte de cette  discussion ? Une récente table ronde qui se déroulait autour du thème de la motivation des équipes. Effectivement, si l’on remplace le terme  « stresser» par « motiver », alors, la phrase prend sens : « Je dois les motiver, pour obtenir des résultats ». Mais que vient faire un pareil amalgame entre motivation et stress ? Si nous estimons encore que le stress peut être générateur de performance, le management par le stress – malgré ses effets destructeurs – dispose malheureusement de beaux jours devant lui.

Qu’en disent les spécialistes ?

Terminons par une étude remarquable de Colette Richard et du professeur Eric Gosselin[1]. Ils ont analysé 52 études indépendantes (de 1980 à 2006), consacrées au lien entre le stress et la performance. Les résultats portent un sérieux coup à la croyance d’un « stress optimal ». En effet, la relation curvilinéaire entre le stress et la performance, du type : la performance augmente avec un peu de stress et diminue s’il y en a trop est valable… dans 10% des cas.

Dans 15 % des situations observées, le stress n’a pas d’incidence significative.

En revanche, dans 75 % des cas, les chercheurs observent que dès que le stress augmente, la performance diminue ! Par ailleurs, une autre étude sino-américaine[2] a montré qu’un gain de sérénité améliorait sensiblement les performances intellectuelles.

[L’article étant un peu long, vous pourrez lire la réponse à mon ami, à la fin du dossier consacré au stress]

[newsletter]


[1] Eric Gosselin est professeur de psychologie du travail au Département de relations industrielles à l’Université du Québec en Outaouais.

[2] Institute of Neuroinformatics and Laboratory for Body and Mind at Dalian University of Technology de Dalian (Chine) et laboratoire de Psychologie de l’université de l’Oregon

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Vous pouvez utiliser ces balises et attributs HTML : <a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <s> <strike> <strong>