L’article, qui suit, s’éloigne un peu de la ligne éditoriale habituelle. J’ai d’abord songé qu’il était plus raisonnable de le mettre au placard, en vain. Je n’arrive pas à m’en défaire. Et là, maintenant, j’ai envie de vous le délivrer. Pour dire vrai, c’est un décès récent dans ma famille, qui en est à l’origine.
Je me rappelle, avec précision, de ce moment où j’ai entendu ma mère rendre hommage à sa propre mère. Ça m’a bousculé, remué bien plus vivement que je ne l’aurais imaginé. Je me souviens aussi du sentiment qui a suivi. Je me sentais infiniment fragile. Renvoyé à ma propre vie et à son achèvement. Inéluctable. Au fait, Romain qu’est-ce qui est important pour toi ? Quelles traces vais-je laisser ?
Dans la voiture qui me ramenait sur Paris, un conte populaire de Charles Dickens, m’est assez vaguement revenu en mémoire. J’ai, depuis retrouvé son titre : un chant de noël. La fable met en scène un vieillard détestable, Monsieur Scrooge. Cet être égoïste et avare reçoit, la veille de Noël, la visite de trois fantômes. Le premier et deuxième esprit, représentant le passé et le présent, viennent tour à tour lui montrer à quel point son comportement l’a voué à la solitude et au malheur. Mais c’est seulement le troisième fantôme venant de temps futurs qui décide Scrooge a devenir plus généreux et aimant. Comment ? Ce dernier esprit lui dévoile des funérailles auxquelles personne n’assiste, une tombe rapidement recouverte par les mauvaises herbes.
La mort, si taboue mais somme toute si naturelle, a cela de particulier ; elle vous renvoie, sans ambages, à vos relations avec la personne disparue, à ce que vous faites, à qui vous êtes. Ici et maintenant. L’urgence de Vivre qui parfois en découle, remet en question nos comportements habituels.
Il est surprenant de voir comment certaines recherches astucieuses viennent asseoir cette intuition. Je pense notamment à ces chercheurs en psychologie sociale qui ont montré que le simple fait d’être arrêté devant des pompes funèbres – plutôt qu’un magasin lambda – nous pousse à nous montrer plus généreux envers les organismes caritatifs.[1] Etre confronté – même de manière inconsciente – à la mort, influence nos priorités.
Par ailleurs, un autre chercheur (Peterson) montre qu’il est bénéfique de penser au souvenir que l’on laissera aux autres après notre mort.[2] Il propose ainsi un exercice simple mais qui a fait ses preuves ; écrire son éloge funèbre… C’est à dire écrire le discours que vous aimeriez que votre conjont(e), vos enfants, vos amis… tiennent sur vous. En quels termes seriez-vous décrit ? Que diraient ils de votre caractère, de vos accomplissements, de vos points forts, de votre vie de famille, de votre parcours professionnel… Que sais-je encore ! Placez la barre haute mais atteignable.
Et une fois ceci fait, relisez-vous. Est-ce que votre comportement actuel justifie un tel éloge ? Sinon que vous faut-il encore travailler ? Quels moyens pouvez-vous mettre en oeuvre ? Il est essentiel de procéder à cette comparaison, les émotions peut-être inconfortables qui émergeront, seront la source de votre future motivation.
La consigne peut paraître déroutante mais elle a le mérite de vous recentrer sur les points qui vous tiennent à coeur, de générer une motivation à long terme et, en reprenant, de temps en temps votre discours, de mesurer les progrès accomplis.
Faites-vous, faites-leur ce cadeau. C’est (bientôt) Noël.
[1] Jonas, E., Schimel, J., Greenberg, J., & Pyszczynski, T. (2002). The Scrooge effect: Evidence that mortality salience increases prosocial attitudes and behavior. Personality and Social Psychology Bulletin, 28, 1342-1353.
[2] Peterson, C. (2006). A Primer in Positive Psychology. New York: Oxford University Press.